mardi 19 avril 2011

Nécessaires civilités

Une de mes relations - une femme de près de cinquante ans nantie d'une fille adolescente - met un point d'honneur à se faire appeler "Mademoiselle" Machin-Chose. Mais elle m'adresse depuis des années des courriers à "Isabelle Sojfer", sans autre forme de civilité. On peut se demander pourquoi.
On a beau se tutoyer de plus en plus, les civilités restent indispensables. Bonjour tout court est moins poli que bonjour Mademoidame ou bonjour Monsieur. Et comment aborder quelqu'un qu'on ne connaît pas ? Appeler "Hep, vous, là-bas !" serait carrément grossier. Heureusement qu'il y a les civilités. Surtout depuis que Mademoidame existe. Si vous aviez pu me voir, hier, hélant la serveuse à la terrasse d'un café : "On vous doit combien, Mademoidame ?" Ce mot est devenu tellement naturel que je l'emploie sans y penser. La serveuse a réagi immédiatement, comme si on l'avait appelée ainsi toute sa vie. Personne n'a même levé la tête. Essayez, c'est magique.

lundi 11 avril 2011

Conditionnement, quand tu nous tiens...

Voici donc quelques semaines que je m'efforce de dire Mademoidame aux caissières dans les magasins. Je prends mon air excentrique-et-je-l'assume, pour le cas où on me regarderait bizarrement. J'ai beau m'apprêter à expliquer que Mademoidame est aux femmes ce que Monsieur est aux hommes - je suis même prête à demander d'un air incrédule : "Comment? Vous ne savez pas?! Mais tout le monde dit Mademoidame, c'est le nouveau truc !" - je guette en vain la réaction de mon interlocutrice. Elle a probablement trop de soucis pour faire attention à mon vocabulaire, la caissière du supermarché. Et puis je ne pense pas toujours à employer Mademoidame. Comme tout le monde, je suis plus encline à dire Madame, uniquement par habitude.

mardi 5 avril 2011

Pourquoi il faut un troisième terme

On nous dit que si la loi était appliquée, toutes les femmes seraient appelées Madame. Comme au Canada, le terme Mademoiselle serait relégué au rang des vieux objets qu'on ne trouve plus que sur les brocantes et dans les musées. Mademoiselle est discriminatoire, tout le monde s'accorde sur ce point. Lire à ce propos le très intéressant "Madame Mademoiselle" de Laurence Waki, paru en 2006 aux éditions Max Milo: http://www.maxmilo.com/product_info.php?products_id=98 Voir aussi sur le net: http://www.friedland.ccip.fr/1427_madame-ou-mademoiselle-stop-a-la-discrimination/ http://romy.tetue.net/madame-ou-mademoiselle#forum2757 http://www.c-e-r-f.org/nomappellation
Mais alors, si le "tout Madame" est déjà prévu, s'il ne suffit plus que d'obtenir l'application des textes, pourquoi vouloir lancer Mademoidame? Pourquoi rajouter une troisième civilité alors qu'il y en a déjà deux ? Parce que le "tout Madame" est impossible à obtenir. Les gens résistent, les femmes les premières. Nombre de femmes tiennent à être appelées Mademoiselle. Un sondage réalisé en 2009 pour Madame Figaro fait état de 71% d'opposition à la disparition de mademoiselle... Personne ne semble d'accord. Une chose est sûre : Mademoiselle contient aussi une dose de séduction à laquelle on ne renonce pas aisément. J'en entends déjà pester, comment peut-elle parler de séduction alors qu'il s'agit justement de libérer les femmes de la domination [masculine, marchande, etc] ? La séduction ne relève pas uniquement de la domination et de l'aliénation. Mademoiselle colporte aussi une part d'imaginaire et de rêve. Il est très difficile de priver les gens de leurs rêves. Madame n'est d'ailleurs que l'autre versant de Mademoiselle. Madame et mademoiselle forment un système binaire où une femme est toujours définie par rapport à un homme.  Dans tous les cas, le "madame" généralisé semble affreusement austère.
Mademoidame est un terme nouveau, fun, mignon - et hautement nécessaire. Ce n'est ni le mademoiselle suranné ni le pesant madame. Sa sonorité rappelle les deux anciennes appellations, et son sens se devine immédiatement. Mademoidame, c'est le mot pour enfin exister par soi-même.