dimanche 19 octobre 2014

Coucou, fais-moi peur

L'approche d'Halloween est l'occasion de rappeler que les femmes ont toujours fait peur aux hommes, ou plus exactement, aux machistes. Il faudrait évoquer la Bible, Saint Paul, le Moyen-Age, Sigmund Freud, etc. On pourrait expliquer toute l'histoire de la domination des hommes sur les femmes par la trouille que celles-ci infligent à ceux-là.
Cette peur est fantasmatique. Dans la réalité, ce sont les hommes qui - pour ne prendre qu'un exemple - tuent les femmes dans les violences conjugales. Le contraire est infiniment plus rare. Les hommes ont moins à craindre la violence physique des femmes que l'inverse. Leurs peurs tiennent plutôt à leurs propres désirs, et à des angoisses de castration : la peur du vertige que le désir provoque, la peur d'une défaillance érectile, la peur d'être comparé à d'autres hommes, etc. Les machistes sont terrifiés par les femmes, d'où leur agressivité. Ils transforment leur angoisse en haine. Ils inventent des ceintures de chasteté, des sociétés où la virginité d'une femme est plus importante que sa vie, des mutilations horribles telles que l'excision et l'infibulation. Dans leur optique délirante, non seulement les femmes ne doivent pas jouir, mais elles doivent souffrir. C'est que les machistes craignent moins les femmes -ils disent souvent "la" femme - que la libido des femmes. Élevés dans le culte de la compétition, ils se sentent menacés par la sexualité féminine. La nymphomane occupe une place particulière dans leurs représentations. Elle incarne avec exagération tout ce qui les épouvante et les excite à la fois.
Dans le film Calmos (1975), deux hommes partent à la campagne pour fuir les femmes et leurs désirs. Bien que ce film soit vu comme un monument de misogynie et que Bertrand Blier lui-même le renie dans une interview, je le trouve intéressant et beau comme une œuvre surréaliste. Il me fait penser à Fellini, à Buñuel, à La Grande Bouffe de Marco Ferreri. Je ne révèle pas la fin pour préserver l'effet de surprise mais je vous garantis que c'est du grand délire, et qu'il y a dans tout ce film des moments de grand cinéma.

dimanche 5 octobre 2014

Nom d'un chien

"C'est votre nom de jeune fille ou votre nom d'épouse ?" demande la secrétaire du laboratoire d'analyses médicales. Je lui réponds que c'est mon nom. Elle réitère sa question. Je réitère ma réponse. Elle prend une grande inspiration et demande, pour la troisième fois, si c'est mon nom de jeune fille ou d'épouse. "Ecoutez, c'est mon nom, mon nom tout court. Je n'ai pas d'autre réponse à vous faire." "Alors c'est votre nom de jeune fille !" conclut-elle triomphalement. Je réplique :  "D'une part, on ne dit plus nom de jeune fille mais nom de naissance,  d'autre part, aucune loi n'oblige une femme à prendre le nom de son mari, vous n'êtes pas au courant ? " "Oh, ça va, ne ne vous énervez pas !" Elle se tourne vers sa collègue avec un geste de l'index en direction de la tempe, comme pour douter de ma santé mentale. Moi aussi, je doute de sa santé mentale. Je n'arrive pas à croire qu'elle ne soit jamais tombée sur un article traitant de cette question - il en existe un certain nombre - ni, surtout, qu'elle ne se sente aucunement concernée. En tant que femme, elle pourrait au moins y réfléchir.  Il y va de son intérêt personnel. C'est quand même pas compliqué à comprendre, nom d'un chien !