mardi 18 novembre 2014

Quatre ans et demi de mademoidame

Déjà ?!

Ceci est le 99ème post de ce blog. L'occasion de changer  prochainement de formule, de format, de plateforme. Ce blog existe depuis trois ans et demi, quatre ans et demi si on tient compte du premier article paru en 2010 (d'abord sur un autre blog, puis rapatrié ici).
Au départ, je croyais naïvement qu'il suffisait de s'adresser à l'intelligence des gens : on leur expliquait en quoi la différenciation madame/mademoiselle est aberrante, illogique, ringarde et discriminatoire, et - sauf pour les plus cons - ils changeaient de vocabulaire. Soit ils adoptaient mademoidame, soit ils trouvaient un autre terme, soit ils se contentaient du madame universel, ce n'est pas la meilleure solution mais c'est toujours mieux que le binôme madame/mademoiselle.
Pourquoi, demandent les nouveaux venus, le madame universel n'est-il pas la bonne solution ? Parce que le mot madame renvoie à la femme mariée, à l'épouse de monsieur. Parce qu'il ramène les femmes à la maternité, alors que la vraie libération passe par un affranchissement de la maternité, laquelle devrait être une option et non une norme. Et, enfin, parce qu'il est plus facile d'ajouter un mot que d'en enlever un ; plus facile d'introduire le mademoidame universel que d'interdire aux gens de dire mademoiselle. Pour résumer.

Petit rappel historique

Depuis mes dix-huit ans, j'attendais sagement que les féministes veuillent bien s'emparer de la question des civilités. Les décennies passaient. J'ai fini par retrousser mes manches, écrire un premier article puis, en mars 2011, j'ai commencé ce blog. J'ai diffusé un communiqué de presse, mobilisé quelques amies, un magazine féminin a publié un entrefilet. J'écrivais à toutes sortes de sites et d'associations féministes, en vain. En mai 2011, finalement, j'ai reçu un mail d'Osez Le Féminisme : elles entamaient une réflexion sur le sujet. Il était temps. Une grosse association ne pouvait quand même pas se laisser doubler par une franc-tireuse.
Elles m'ont invitée à une réunion. Elles étaient une bonne vingtaine autour de tables disposées en  rectangle. J'avais fait une insomnie la veille et j'avais l'impression que mon oral ne se déroulait pas au mieux. À part les deux responsables, qui avaient du savoir-vivre, les autres étaient ouvertement hostiles : des filles de vingt-cinq trente ans, certaines terriblement prout-prout, qui pinçaient les narines et repoussaient avec mépris le papier que j'avais distribué. J'étais quand même drôlement contente d'être là, drôlement contente de voir que ça bougeait enfin. La suite de l'histoire est connue : grâce à leur force de frappe, les demoidames d'OLF ont lancé un débat quasi national en septembre 2011. Pour la première fois en France, on a évoqué à grande échelle, dans les médias, ce qu'implique d'être appelée mademoiselle ou madame. Encore ne s'agissait-il que du traitement administratif (suppression de la case mademoiselle), mais c'était déjà énorme.

Vous avez dit "indépendante" ?

Tout au long de ce blog, j'ai essayé de montrer la complexité de l'emploi des civilités, ainsi que le véritable tabou que ce sujet constitue. À l'époque où j'essayais de nouer des contacts avec les féministes, j'écrivais aussi à des universitaires, sans plus de succès. Il y aurait des thèses à faire sur les occurrences et les polysémies de madame et de mademoiselle. Mais nous sommes en France, pays du snobisme intellectuel, à l'époque du conformisme absolu instauré par les réseaux sociaux. Une petite bonne femme sur Blogger ne peut pas avoir quoi que ce soit d'intéressant à dire, voyons ! Si encore chacun de ses articles était suivi de cinquante commentaires et d'autant de partages sur Facebook ! C'est vrai que je ne me suis pas foulée pour la promo. Je n'ai pas entretenu le réseau des mademoidames, pas sollicité mes amis pour poster des commentaires, pas écrit au moins un article par semaine, bref, je n'ai rien fait de ce qu'il aurait fallu pour devenir populaire - ce mot détestable. Pire, j'ai tenu des propos antinatalistes et je suis contre la pénalisation des clients de la prostitution, qui sera impossible à appliquer et rendra la condition des prostituées encore plus difficile. Le discours ambiant nous enjoint à l'authenticité, mais la seule authenticité admise est celle qui reste dans les rails.

La suite

Alors, quelle suite à donner à cette centaine d'articles ? Ce blog a peut-être déjà rempli sa fonction et il n'y a rien de plus à faire. D'un autre côté, j'aime toujours autant le mot mademoidame et je n'ai pas envie de le laisser tomber. Mais comment promouvoir un mot ? Il faudrait s'y prendre autrement. Oui, mais comment ? Euh, je peux obtenir un délai de réflexion jusqu'au centième article ?








dimanche 19 octobre 2014

Coucou, fais-moi peur

L'approche d'Halloween est l'occasion de rappeler que les femmes ont toujours fait peur aux hommes, ou plus exactement, aux machistes. Il faudrait évoquer la Bible, Saint Paul, le Moyen-Age, Sigmund Freud, etc. On pourrait expliquer toute l'histoire de la domination des hommes sur les femmes par la trouille que celles-ci infligent à ceux-là.
Cette peur est fantasmatique. Dans la réalité, ce sont les hommes qui - pour ne prendre qu'un exemple - tuent les femmes dans les violences conjugales. Le contraire est infiniment plus rare. Les hommes ont moins à craindre la violence physique des femmes que l'inverse. Leurs peurs tiennent plutôt à leurs propres désirs, et à des angoisses de castration : la peur du vertige que le désir provoque, la peur d'une défaillance érectile, la peur d'être comparé à d'autres hommes, etc. Les machistes sont terrifiés par les femmes, d'où leur agressivité. Ils transforment leur angoisse en haine. Ils inventent des ceintures de chasteté, des sociétés où la virginité d'une femme est plus importante que sa vie, des mutilations horribles telles que l'excision et l'infibulation. Dans leur optique délirante, non seulement les femmes ne doivent pas jouir, mais elles doivent souffrir. C'est que les machistes craignent moins les femmes -ils disent souvent "la" femme - que la libido des femmes. Élevés dans le culte de la compétition, ils se sentent menacés par la sexualité féminine. La nymphomane occupe une place particulière dans leurs représentations. Elle incarne avec exagération tout ce qui les épouvante et les excite à la fois.
Dans le film Calmos (1975), deux hommes partent à la campagne pour fuir les femmes et leurs désirs. Bien que ce film soit vu comme un monument de misogynie et que Bertrand Blier lui-même le renie dans une interview, je le trouve intéressant et beau comme une œuvre surréaliste. Il me fait penser à Fellini, à Buñuel, à La Grande Bouffe de Marco Ferreri. Je ne révèle pas la fin pour préserver l'effet de surprise mais je vous garantis que c'est du grand délire, et qu'il y a dans tout ce film des moments de grand cinéma.

dimanche 5 octobre 2014

Nom d'un chien

"C'est votre nom de jeune fille ou votre nom d'épouse ?" demande la secrétaire du laboratoire d'analyses médicales. Je lui réponds que c'est mon nom. Elle réitère sa question. Je réitère ma réponse. Elle prend une grande inspiration et demande, pour la troisième fois, si c'est mon nom de jeune fille ou d'épouse. "Ecoutez, c'est mon nom, mon nom tout court. Je n'ai pas d'autre réponse à vous faire." "Alors c'est votre nom de jeune fille !" conclut-elle triomphalement. Je réplique :  "D'une part, on ne dit plus nom de jeune fille mais nom de naissance,  d'autre part, aucune loi n'oblige une femme à prendre le nom de son mari, vous n'êtes pas au courant ? " "Oh, ça va, ne ne vous énervez pas !" Elle se tourne vers sa collègue avec un geste de l'index en direction de la tempe, comme pour douter de ma santé mentale. Moi aussi, je doute de sa santé mentale. Je n'arrive pas à croire qu'elle ne soit jamais tombée sur un article traitant de cette question - il en existe un certain nombre - ni, surtout, qu'elle ne se sente aucunement concernée. En tant que femme, elle pourrait au moins y réfléchir.  Il y va de son intérêt personnel. C'est quand même pas compliqué à comprendre, nom d'un chien !


lundi 22 septembre 2014

Climat

Des gens se sentent suffisamment concernés par le dérèglement climatique pour participer à une manifestation. Les générations futures sont évoquées, mais on ne fait pas le lien entre croissance démographique et dégradation de l'environnement. La surpopulation reste un sujet tabou. Que les prévisions nous fassent arriver à douze ou "seulement" onze milliards d'humains en 2100, on continue de raisonner comme si les ressources sur terre étaient illimitées. Comme si un milliard de nos semblables ne mourait pas déjà de faim. Comme si les machines ne remplaçaient pas les gens partout, condamnant les enfants qui naissent à un chômage certain. Des rats affamés dans une cage finissent par se dévorer entre eux. Paradoxalement, l'instinct qui pousse les humains à se reproduire (dans un but de survie illusoire) pourrait bien causer la perte de l'espèce toute entière.
Selon une étude anglaise, les femmes les plus intelligentes seraient moins enclines que les autres à faire des enfants. Faut-il en conclure que les Françaises ne sont pas futées ? Malgré la crise, elles continuent à faire de la France un des pays d'Europe où la natalité est la plus forte. Il faut dire que la pression sociale s'exerce sans relâche. Sans parler des allocations familiales, versées même aux plus riches en ces temps de disette budgétaire.
Heureusement, des voix divergentes commencent à se faire entendre. L'expression childfree  entre peu à peu dans le langage courant. Il faut déconstruire le conditionnement selon lequel une femme est par définition une mère. Les femmes ont tout à y gagner. On ne les empêchera pas de faire des bébés si vraiment elles le désirent, mais toutes devraient lire les courageuses déclarations d'Anémone. Et puis, on vous le dit, l'avenir de la terre n'est pas au beau fixe. A moins d'être un(e) égoïste forcené(e) et/ou un(e) imbécile, il faut prendre le temps d'y réfléchir avant de foncer tête baissée.

jeudi 4 septembre 2014

Encore un nouveau mot

Il faut reparler du voile. Quelque chose ne va pas dans l'argumentation culpabilisante de mademoidame Delphy. Il est un peu facile de ramener toutes les prises de position contre le voile à des motivations racistes. Il y a des racistes en France, mais il y a aussi des gens réellement soucieux d'émancipation et de laïcité. Le malaise provoqué par la vue d'une femme intégralement voilée ne relève pas uniquement de ce qu'on appelle à tout bout de champ l'islamophobie. Voilà encore un mot qui brouille tout. Le problème n'est pas l'islam mais l'islamisme, et il serait plus exact de parler d'islamismophobie. Ainsi on ne viserait ni les personnes ni leur religion, mais une idéologie relativement récente, importée à coups de pétrodollars, où les femmes forment une sorte de bétail uniquement destiné à la reproduction. Où elles sont interdites de bains de mer. Même si, bien sûr, le bain de mer n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan de leur condition.

vendredi 29 août 2014

Mademoidame à la plage (souvenir de vacances)

Sur le front de mer se promenaient quatre jeunes filles voilées, chaperonnées par leur mère également voilée. L'aînée triturait son i-phone en se donnant l'air affairé. La plus jeune lorgnait vers le large. Les deux autres fixaient le sol avec résignation. Leurs habits et leurs voiles étaient faits d'un tissu très épais, marron pour les unes, noir pour les autres. Il faisait bien trente degrés. Elles devaient crever de chaud. Quelle idée leur mère avait-elle eue en les emmenant là ? A quoi bon leur montrer la plage quand le maillot de bain, et par conséquent la baignade, leur étaient interdits ?
De l'autre côté du parapet, des femmes bronzaient seins nus.
Pour Christine Delphy, l'interdiction du voile est une mesure raciste qui, même sous couvert d'antisexisme, est une mesure contre les femmes concernées. Mademoidame Delphy met sur le même plan le voile et la "disponibilité sexuelle requise des femmes et signifiée notamment par les vêtements sexy". Sans doute n'aurait-elle vu qu'un muret entre les femmes aux seins nus et les femmes voilées, et elle aurait compté pour rien la possibilité de se baigner. Mais au fait, pourquoi n'existe-t-il pas de costumes de bain islamiques ? Il y avait bien en 1900 des accoutrements cent pour cent conformes à la pudeur.
Les femmes voilées ont continué leur pénible promenade. De loin, on aurait dit des corbeaux. Puis un type est arrivé, sur son tee-shirt était écrit : "Make love, not babies", c'était quand même plus drôle.


vendredi 8 août 2014

Mademoidame, Monsieur, bonjour

Au wagon-bar du train est arrivée une toute jeune fille qui portait un bébé dans un kangourou. Elle avait 14 ou 15 ans. Le barman lui a dit madame.
Le bébé n'était peut-être que le petit frère de l'adolescente. Le barman disait peut-être madame à toutes les femmes. Cette deuxième hypothèse semble toutefois improbable. La SNCF reste passéiste concernant les civilités : quand vous achetez un billet en ligne, vous avez le choix entre Monsieur, Mademoiselle et Madame, et tout voyage débute par un "Madame, Mademoiselle, Monsieur bonjour" particulièrement irritant. Je parierais que le barman pensait avoir affaire à une jeune maman, et qu'il lui disait madame à ce titre.

La maternité est un critère déterminant pour distinguer les dames des demoiselles dans la société française d'aujourd'hui. La société française reste très nataliste, et s'accroche de toutes ses forces à la distinction madame/mademoiselle. Il faut s'en étonner. Pourquoi serait-il normal de dire madame à une maman ? Pourquoi serait-il normal de distinguer certaines femmes des autres ? Serait-il normal d'employer un mot différent selon la couleur de la personne à qui l'on s'adresse ?  Ce serait du racisme. Appliqué aux femmes, on appelle ça du sexisme. Notez que la tonitruante campagne menée par OLF en 2011 pour la "suppression de la case mademoiselle" prônait le madame universel plutôt qu'une civilité nouvelle telle que mademoidame. C'est que la plupart des féministes officiel(le)s sont natalistes, comme le reste de la société. Le madame généralisé s'inscrit dans une vision du monde où les femmes sont des mères en puissance. L'injonction nataliste ne faiblit pas, alors même que les machines remplacent partout les gens et que de plus en plus de femmes osent dire qu'elles n'ont pas envie de se reproduire.
Les civilités sont peut-être un détail, mais un détail qui en dit long sur la mentalité ambiante. Le fait même qu'elles soient peu étudiées montre à quel point elles sont ancrées dans l'inconscient collectif. Posez-vous la question la prochaine fois que vous entendrez madame ou mademoiselle. Voyez comme, derrière la façade de l'évidence, les choses ne vont pas de soi. Bienvenue, Mademoidame, Monsieur, dans ce champ de réflexion encore peu fréquenté. Et bravo pour votre audace et votre curiosité ! Il en faut, pour ne pas se cantonner aux sites où tout le monde va.

mardi 22 juillet 2014

Passera, passera pas ?

Alors que le débat sur la prostitution s'était un peu calmé et que la pénalisation du client semblait acquise, on apprend que les sénateurs en ont rejeté l'article. La proposition de loi sera réexaminée ultérieurement. De quoi alimenter les réseaux sociaux encore tout l'été. Les partisans de la pénalisation du client voient la prostitution comme un effet de la domination des hommes sur les femmes, oubliant qu'elle résulte au moins autant d'une société de l'argent où tout s'achète et se consomme. Ils mettent en avant que les prostituées sont avant tout des femmes, alors que des hommes aussi se prostituent, et que leurs clients sont parfois des clientes.
Il m'est arrivé, dans la rue, d'être abordée par un jeune type qui proposait ses services. Il racolait, exactement comme ses consœurs, à quelques différences près bien sûr : c'était moins dangereux pour lui que pour une femme, et il mettait probablement plus de temps à lever une cliente. Les féministes officielles objecteront que cette prostitution-là est marginale, pourtant elle est bien réelle, et quelle réponse lui apporter ? Faut-il pénaliser les clientes qui auraient recours à un prostit ? Et faut-il protéger les prostitués gay de la domination masculine au nom des droits des femmes ? Voilà qui ne manquerait pas de piquant.
Et puis les Femen font irruption au Sénat. J'en étais restée à quand les féministes officielles n'avaient pas de mots assez durs pour critiquer les Femen, mais maintenant les Femen leur donnent un coup de main. J'ai dû louper des épisodes. Et pourquoi ces demoidames montrent-elles leurs nénés ? Pour essayer de faire passer coûte que coûte la pénalisation des clients, une perspective qui a pour effet de les rendre encore plus exigeants, de faire baisser les prix, et de pousser les prostituées à prendre toujours plus de risques. Et on voudrait nous faire croire que c'est un progrès.

samedi 21 juin 2014

Mince alors

Dans le métro, un jeune homme a cédé sa place à une énorme jeune femme en lui disant :  "Tenez Madame, asseyez-vous." Ravie, elle a pris le strapontin. Je me suis dit qu'à sa place, j'aurais eu honte d'être traitée comme une handicapée. Elle avait l'âge auquel toutes les autres sont appelées mademoiselle. Comme déjà remarqué sur ce blog, les grosses reçoivent systématiquement du madame. Ont-elles plus de poids social pour autant ? Le madame constitue-t-il une promotion ? Les mannequins grande taille font-ils avancer la cause des femmes ? Comment expliquer la persistance de cette discrimination que font presque tous les gens entre les grosses (madame) et les minces ( mademoiselle) ? Et bien sûr entre les vieilles (madame) et les jeunes ( mademoiselle) ? Imaginerait-on employer un mot différent selon qu'une personne est blanche ou noire ? N'est-ce pas que c'est choquant ? Alors, pourquoi continue-t-on ? Quand il suffit de dire mademoidame.

dimanche 1 juin 2014

Mamie dans le métro

Au hasard de la toile, je suis tombée sur une interview de Corinne Touzet, comédienne, qui déclare : "C'est viscéral chez une femme d'avoir envie de donner un enfant à l'homme qu'elle aime."  C'est sans doute vrai pour elle si elle le dit, mais faut-il pour autant en faire une généralité ? L'équation amour = faire un enfant ne résulte-t-elle pas surtout d'une injonction normative répétée comme un mantra ? Ce que nous prenons pour des vérités indiscutables est susceptible d'évoluer au cours du temps. Ainsi, le désir sexuel des femmes supposé moindre que celui des hommes est une construction historique de deux siècles à peine.
Pour en revenir à la déclaration de mademoidame Touzet, notez que le désir viscéral d'enfant est prêté à la femme, pas à l'homme. "La" femme est toujours ramenée à ses organes, à sa fonction reproductrice. Dans ce contexte, la ménopause est vécue comme un drame absolu. Notre société déteste les vieux. On les laisse debout dans les transports en commun avant de les entasser dans des mouroirs en répétant qu'ils ne servent à rien - alors que la gériatrie est un secteur en plein essor. Les jeunes mamans qui laissent leurs enfants s'étaler sur les banquettes du métro devant une octogénaire qui tient à peine sur ses jambes pourraient quand même se dire qu'elles aussi, peut-être, un jour, seront vieilles et fatiguées, non ? Finalement, c'est souvent moi qui laisse ma place aux vieilles dames. Quand c'est une femme enceinte en revanche, plusieurs personnes se disputent l'honneur de lui céder un strapontin. Chaque rame de métro sans chauffeur transporte donc des centaines de gens sans emplois, des vieux qu'on laisse debout, des enfants promis à un chômage certain, des mendiants, mais la priorité serait de faire toujours plus de bébés, c'est-à-dire au moins un à chaque histoire d'amour ?  Y aurait pas par hasard quelque chose qui cloche, dans cette société ?

samedi 17 mai 2014

De l'égoïsme

L'idée selon laquelle il serait égoïste de ne pas faire d'enfant est encore répandue dans la société française. Égoïste envers qui ? Les enfants ne demandent pas à venir au monde. Ils naissent d'une envie de leurs parents qui ensuite se servent d'eux pour justifier leur indifférence au sort des autres et leur avidité.
Récemment, un ami sans enfant s'est fait traiter d'égoïste. Il était si choqué qu'il n'a rien trouvé à répondre. Il aurait pu le prendre de haut : "Est-ce que je me permets, moi, de porter un jugement sur vos choix de vie ?" Il aurait pu se montrer conciliant : "Réjouissez-vous que je n'aie pas d'enfants : ça laisse plus de place et d'opportunités pour les vôtres". Ou employer la manière forte :  "Est-ce que vous vous demandez comment sera le monde dans trente, cinquante ou cent ans ? Est-ce que vous pensez un quart de seconde à la vie qu'aura votre fille en 2060? Vous vous en foutez royalement. Alors, lequel de nous deux est le plus égoïste ?" Il aurait même pu s'amuser : "Si je comprends bien, vous êtes d'accord pour me donner les cinq cent mille euros qui me feraient peut-être changer d'avis et me reproduire ?"
Nos grand-parents ne se posaient pas la question de faire ou non des enfants. A moins d'être stériles ou de vivre dans l'abstinence, ils en avaient des flopées. La vie venait, s'en allait ; les humains ne contrôlaient pas grand-chose. Du coup, ils n'étaient pas responsables de ce qui attendait leur progéniture.
Tout a changé avec la contraception. Donner la vie est devenu un acte lourd de conséquences. Donner la vie est peut-être un cadeau pour celle et celui qui la donnent, mais pas forcément pour le récipiendaire. Les gens le sentent obscurément, ou comment expliquer qu'ils s’aplatissent au moindre caprice de leur bambin ? C'est pour s'excuser, je crois, du mauvais tour qu'ils jouent aux générations futures que des adultes en viennent à céder leur place aux enfants dans le métro. Alors, qui sont les égoïstes ? Ceux qui ont des enfants pour leur propre plaisir, comme prolongement d'eux-mêmes, parfois sans se demander comment ils les nourriront, ou ceux qui ont conscience de leurs responsabilités ?

dimanche 4 mai 2014

C'est le printemps


C'est le printemps. Nous sommes au marché, mon compagnon et moi. Nous avons plus de cent ans à nous deux, nous formons de toute évidence un couple, pourtant le vendeur juge utile de me dire mademoiselle à longueur de phrases, et mademoiselle par ci, et mademoiselle par là. Il me vient à l'esprit que c'est un sujet pour ce blog. Du coup, je n'écoute plus ce que dit le vendeur. Les sandales ne m'intéressent pas vraiment. Pour ne pas les essayer, je prétexte une ampoule au pied. Quand le vendeur comprend qu'il ne me vendra rien, il se met à dire madame.

N'hésitez pas à partager vos anecdotes sur le sujet

dimanche 30 mars 2014

Nous sommes tou(te)s des prostitué(e)s


Un nouveau genre de site arrive sur la toile francophone : il s'agit de mettre en contact de jolies jeunes femmes désargentées (les sugar babies) avec des hommes mûrs et riches (les sugar daddies). Les jeunes femmes gagnent ainsi plusieurs milliers d'euros par mois sous forme d'argent ou de cadeaux. Osez le féminisme dénonce une forme de prostitution déguisée, parle de violence faite aux femmes. En fait, c'est plus flou. Les sugar babies s'inscrivent de leur plein gré,  choisissent leur "mécène",  parfois même il n'y a pas de relation sexuelle; il ne reste plus qu'à espérer que personne n'empoche les cadeaux à leur place.
Admettons néanmoins le fait de se faire entretenir comme de la prostitution. Donc, toutes les femmes au foyer sont des prostituées. Toute personne obtenant un quelconque avantage d'une personne avec qui elle a des relations sexuelles se prostitue. Où est la frontière ? Si, même en l'absence de relation sexuelle, on peut parler de prostitution, alors l'économie toute entière est prostitutionnelle. L'employeur est un proxénète, le salarié se prostitue, seul le client reste un client.  La violence est-elle avant tout sexuelle ou économique ? Si on regardait plutôt un film ? D'accord, le cinéma a souvent idéalisé la prostitution mais il faut voir et revoir La Fiancée du pirate (lien vers le film complet) de Nelly Kaplan, avec Bernardette Lafont et la chanson de Barbara, Moi, je m'balance. Sur le même thème, je vous recommande aussi le discours des prostituées dans L'aventure c'est l'aventure (à la minute 16).  

samedi 8 mars 2014

La femme ou les femmes ?

Le 8 mars est qualifié de multiples façons : c'est tantôt la journée internationale de la femme, tantôt la journée internationale des femmes, la journée internationale du droit des femmes, la journée du droit de la femme - voire la fête des femmes, certains croient même qu'il s'agit d'offrir des fleurs. Sans blague.
La femme ou les femmes, ça ne veut pas du tout dire la même chose. La femme ? Quelle femme ? Il en existe actuellement trois milliards et demi. Autant dire que la femme n'existe pas. Associée à la lune et aux déesses mères, la femme est un mythe. C'est une notion essentialiste fourre-tout qui sert de réceptacle aux fantasmes les plus délirants. Les femmes, en revanche, existent partout sur terre. Si elles ne sont pas toutes pareilles, elles ont quand même, toutes, d'une manière ou d'une autre, maille à partir avec des organisations, des normes, des idéologies sociales patriarcales qui les assignent, et parfois même les cantonnent, à la maternité. Le vingtième siècle a permis de dissocier sexualité et reproduction. Reste maintenant à dissocier féminité et maternité. Le discours est heureusement en train de changer,  pour preuve les nombreux articles mis en lien dans le post précédent, tenez, prenez celui-ci : elle a raison, non ? Maman n'est pas un métier. C'est peut-être une vocation pour certaines, mais c'est surtout optionnel. C'est d'abord ça, le droit des femmes : choisir ou non de se reproduire, sans se laisser enfermer dans des schémas réducteurs.  Mademoidame, Monsieur, bon 8 mars.

jeudi 20 février 2014

Y en a mère

Avez-vous vu sur le net ces pubs pour des crèmes de beauté, représentant des femmes outrageusement ridées avec des légendes du style : "Mère, 57 ans, vous révèle son astuce pour en paraître 35" ? On se demande pourquoi le mot de mère remplace ici celui de femme. C'est idiot. Toutes les femmes peuvent avoir des rides, et pas seulement celles qui ont eu des enfants. Alors, pourquoi ce ciblage ? Pourquoi ne pas avoir au contraire cherché à étendre le marché aux hommes? Eux aussi ont des rides et une partie d'entre eux consomme des produits de beauté. Je m'empresse de vous mettre en garde, mademoidame ou monsieur, contre ces offres qui sont de véritables arnaques, faites une recherche et lisez les témoignages si vous ne me croyez pas.
Pour en revenir au vocabulaire, le choix d'accoler systématiquement la notion de mère à la notion de femme relève soit d'un manque total de réflexion, soit d'une volonté idéologique. L'expression "théorie du genre" est, on le sait, employée par ses détracteurs pour la discréditer. Cette "théorie" n'existe pas en tant que telle, bien que les sciences sociales tendent à montrer que les différences psychologiques entre les sexes se construisent avant tout dans la société. Mais il y a des gens pour qui ce discours est inadmissible. Écoutez-les s'époumoner en invoquant la nature. L'idée qu'une femme doive et veuille obligatoirement avoir des enfants est largement répandue. La maternité reste vue comme l'alpha et l’oméga de la féminité, y compris par des féministes ; la pression sociale s'exerce encore très fortement sur les femmes pour les convaincre de procréer, et ce en dépit de la précarisation de l'emploi, de la raréfaction prévisible des ressources - bref, d'un avenir qui ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. Alors, ne vous laissez pas impressionner par le matraquage nataliste. Ne cédez pas au chantage au bonheur si vous n'avez pas envie de réelle vocation parentale. On peut être très heureu(x)(se) sans enfant, très malheureu(x)(se) avec. L'inverse peut être vrai bien sûr, mais il n'y a aucune obligation d'avoir des enfants, et une femme peut très bien choisir de faire autre chose. C'est peut-être ça, être une mademoidame : faire son chemin sans se laisser dicter les décisions les plus importantes de sa vie.


dimanche 12 janvier 2014

Meilleurs voeux

Dans un bar à chansons, une dame m'a dit mademoiselle. Je suppose que c'est parce qu'elle me voyait accorder mon instrument. Les artistes sont souvent appelées mademoiselle, même quand elles en ont depuis longtemps passé l'âge. A partir de maintenant, je vais systématiquement noter les emplois de madame et de mademoiselle. Si vous avez envie d'en faire autant, vous pouvez envoyer vos observations et je les ajouterai à la liste. Ce recensement sera un de mes objectifs mademoidame pour 2014. Au fait, meilleurs voeux, mesdemoidames et messieurs. Une liste d'exemples précis avec leur analyse devrait permettre de dégager des tendances et de mieux appréhender ce que les gens ont dans la tête quand ils choisissent une civilité plutôt qu'une autre.
Le choix de l'appellation semble évident à première vue : madame à une femme mûre, mademoiselle à une jeune femme. On voit tout au long de ce blog qu'il est tout sauf évident. Il dépend non seulement de la femme mais aussi du locuteur, du contexte et d'autres paramètres encore. Il obéit à des règles informulées, des archaïsmes et des non-dits sociaux. Pourquoi vouloir distinguer les jeunes des vieilles, les minces des grosses, les belles des moches, les nullipares des mères de famille et les célibataires des femmes mariées - et ce alors même que l'institution du mariage tombe progressivement en désuétude ? En quoi cette distinction est-elle utile socialement ? Pourquoi se maintient-elle ? Dans un autre bar où je chantais, l'ingénieur du son, trente ans maximum, nous demande à ma collègue et à moi : "Mesdames ou mesdemoiselles ?" Et nous, d'une seule voix : "Mesdemoidames !" Rires. Mademoidame est un mot qui met de bonne humeur.