samedi 26 janvier 2013

Demoidame Nature

Quand vous entendez le mot nature, quelle image vous vient immédiatement à l'esprit ? Moi, je vois les frondaisons d'une forêt. Or la forêt telle que nous la connaissons en Europe a été totalement refaite au fil du temps. Elle devait être bien différente il y a 40 000 ans, tant par son étendue que par sa flore et sa faune. Les humains sont passés par là. Peut-être aussi une glaciation. Mais ce sont les humains qui ont défriché, replanté, tracé les allées le long desquelles nous nous promenons. Ce que je me représente lorsque j'entends le mot nature relève très largement de la culture.
La science elle-même, qui se présente comme une mesure objective du monde, est loin d'être aussi neutre qu'elle le prétend. Ce n'est pas pour rien qu'une branche de la philosophie s'appelle l'épistémologie. Avec quelle énergie on a voulu faire dire aux hormones que les hommes venaient de Mars et les femmes de Vénus ! A celles et ceux qui croiraient encore à ces fables, je recommande la lecture du dossier paru dans Science et avenir : http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/fondamental/20120126.OBS9885/neurosexisme-la-guerre-est-declaree.html. Les implications de ces batailles ne sont évidemment pas anodines. Ce que l'on essaye de faire dire à la nature détermine in fine une organisation sociale. A toujours ramener les femmes à leur fonction reproductive, on perpétue les inégalités de genre. Or, pas plus qu'un homme une femme n'est faite pour avoir des enfants. Elle porte en elle cette possibilité, tout comme un homme ; libre à elle d'en user, ou pas. Rien ne l'y oblige au vingt-et-unième siècle, si ce n'est une faramineuse pression sociale dont il a déjà été question sur ce blog. On nous a tellement bassiné(e)s avec la prétendue horloge biologique qu'on a fini par la visualiser comme une pendule à la gare Saint-Lazare. C'est juste une métaphore, une vue de l'esprit et, surtout, un argument marketing : les enfants font consommer. La quête d'un homme avec qui faire un enfant est elle aussi un levier de consommation. Une population abondante représente avant tout un marché. Et peu importe que le travail soit de plus en plus fait par des machines à la place des humains voués au chômage ou que les ressources sur terre s'amenuisent à mesure que croît la population, priorité à la croissance, après nous le déluge ! Faites des petits soldats qui s'entretueront et d'autres qui reconstruiront, faites des petites bonnes femmes qui feront de petits soldats qui s'entretueront et qui reconstruiront, ça fait tourner le monde et l'économie ! Puisqu'on vous dit que la nature l'exige !




samedi 5 janvier 2013

Mademoidame en beauté

Il paraît que quelqu'un a qualifié mademoidame d'horrible. Ça faisait longtemps. Et puis quelle exagération. Le mot horrible se réfère à l’horreur ; je me demande bien, après ça, quels termes cette personne utilise pour qualifier le viol et le meurtre de l'étudiante de New Delhi.
Ainsi le mot mademoidame serait moche. L'argument esthétique semble imparable à première vue mais il ne veut rien dire, sinon un rejet de principe. Qu’est-ce que la beauté, la laideur ? L’histoire et la sociologie n’ont-elles pas montré que les critères du beau sont avant tout ceux de la classe dominante ? Dans notre monde de démagogie numérique, le beau est aussi devenu le marketté, le cliqué, le laïké, le retweeté, bref le médiatisé, le vulgarisé, pour ne pas dire le vulgaire. Est perçu comme beau ou bien ce qui a été vu à la télé, ce qui a été approuvé par d’autres, ce qui est lancé à grands renforts de campagnes de communication et de buzz. Personne n’a jamais pensé à trouver horrible le nom de marque Asus, pourtant c’est un mot particulièrement laid en français. Ben si, c’est comparable. Et je ne vois vraiment pas en quoi des gens de marketing seraient plus légitimes que moi pour propager un terme.
Dès mars 2011, j'ai invité les gens à suggérer des alternatives à mademoidame s’ils en trouvaient, et personne n'a jamais envoyé la moindre proposition. Attention, il faut que le mot soit immédiatement compréhensible. Les esprits chagrins auront beau dire, on comprend mademoidame d'un seul coup, à l'oral comme à l'écrit. Mademoidame est un mot que j’emploie tous les jours, et jamais personne ne m’a jamais regardée de travers. Le sens de mademoidame est limpide, évident : ce mot fonctionne.
Certaines personnes ont essayé de rationaliser leur réticence en déclarant mademoidame “  trop long ”. Or, mademoidame a une lettre de moins que mademoiselle et le même nombre de syllabes exactement. Quelqu'un aurait même reproché à mademoidame de ne pas avoir de “ fondement étymologique ”. A ce compte-là, on ne pourrait plus inventer aucun mot ; il faudrait avec vigueur rejeter nutricament, formé de deux mots existants, exactement comme mademoidame, or personne à ma connaissance ne s’est insurgé contre nutricament.
Ces critiques sont complètement irrationnelles. Elles visent à ce que surtout rien ne change. On peut se demander pourquoi. Puisqu’il est question d’esthétique, est-ce que c’est beau, de faire savoir à une femme qu’on la trouve laide et vieille ou jeune et jolie selon qu’on lui dit madame ou mademoiselle ? Au nom de quoi voudrait-on faire perdurer cette pratique insultante ?
Il me reste à vous souhaiter, Mesdemoidames et Messieurs, de belles choses pour l'année qui commence.