vendredi 29 août 2014

Mademoidame à la plage (souvenir de vacances)

Sur le front de mer se promenaient quatre jeunes filles voilées, chaperonnées par leur mère également voilée. L'aînée triturait son i-phone en se donnant l'air affairé. La plus jeune lorgnait vers le large. Les deux autres fixaient le sol avec résignation. Leurs habits et leurs voiles étaient faits d'un tissu très épais, marron pour les unes, noir pour les autres. Il faisait bien trente degrés. Elles devaient crever de chaud. Quelle idée leur mère avait-elle eue en les emmenant là ? A quoi bon leur montrer la plage quand le maillot de bain, et par conséquent la baignade, leur étaient interdits ?
De l'autre côté du parapet, des femmes bronzaient seins nus.
Pour Christine Delphy, l'interdiction du voile est une mesure raciste qui, même sous couvert d'antisexisme, est une mesure contre les femmes concernées. Mademoidame Delphy met sur le même plan le voile et la "disponibilité sexuelle requise des femmes et signifiée notamment par les vêtements sexy". Sans doute n'aurait-elle vu qu'un muret entre les femmes aux seins nus et les femmes voilées, et elle aurait compté pour rien la possibilité de se baigner. Mais au fait, pourquoi n'existe-t-il pas de costumes de bain islamiques ? Il y avait bien en 1900 des accoutrements cent pour cent conformes à la pudeur.
Les femmes voilées ont continué leur pénible promenade. De loin, on aurait dit des corbeaux. Puis un type est arrivé, sur son tee-shirt était écrit : "Make love, not babies", c'était quand même plus drôle.


vendredi 8 août 2014

Mademoidame, Monsieur, bonjour

Au wagon-bar du train est arrivée une toute jeune fille qui portait un bébé dans un kangourou. Elle avait 14 ou 15 ans. Le barman lui a dit madame.
Le bébé n'était peut-être que le petit frère de l'adolescente. Le barman disait peut-être madame à toutes les femmes. Cette deuxième hypothèse semble toutefois improbable. La SNCF reste passéiste concernant les civilités : quand vous achetez un billet en ligne, vous avez le choix entre Monsieur, Mademoiselle et Madame, et tout voyage débute par un "Madame, Mademoiselle, Monsieur bonjour" particulièrement irritant. Je parierais que le barman pensait avoir affaire à une jeune maman, et qu'il lui disait madame à ce titre.

La maternité est un critère déterminant pour distinguer les dames des demoiselles dans la société française d'aujourd'hui. La société française reste très nataliste, et s'accroche de toutes ses forces à la distinction madame/mademoiselle. Il faut s'en étonner. Pourquoi serait-il normal de dire madame à une maman ? Pourquoi serait-il normal de distinguer certaines femmes des autres ? Serait-il normal d'employer un mot différent selon la couleur de la personne à qui l'on s'adresse ?  Ce serait du racisme. Appliqué aux femmes, on appelle ça du sexisme. Notez que la tonitruante campagne menée par OLF en 2011 pour la "suppression de la case mademoiselle" prônait le madame universel plutôt qu'une civilité nouvelle telle que mademoidame. C'est que la plupart des féministes officiel(le)s sont natalistes, comme le reste de la société. Le madame généralisé s'inscrit dans une vision du monde où les femmes sont des mères en puissance. L'injonction nataliste ne faiblit pas, alors même que les machines remplacent partout les gens et que de plus en plus de femmes osent dire qu'elles n'ont pas envie de se reproduire.
Les civilités sont peut-être un détail, mais un détail qui en dit long sur la mentalité ambiante. Le fait même qu'elles soient peu étudiées montre à quel point elles sont ancrées dans l'inconscient collectif. Posez-vous la question la prochaine fois que vous entendrez madame ou mademoiselle. Voyez comme, derrière la façade de l'évidence, les choses ne vont pas de soi. Bienvenue, Mademoidame, Monsieur, dans ce champ de réflexion encore peu fréquenté. Et bravo pour votre audace et votre curiosité ! Il en faut, pour ne pas se cantonner aux sites où tout le monde va.