jeudi 2 juin 2011

Le spectre de la vieille fille

S'entendre dire "mademoiselle" dans un magasin parce qu'à plus de quarante ans, on a une allure de sylphide, passe encore. Il faudrait être particulièrement bégueule pour ne pas reconnaître le compliment. Mais recevoir des enveloppes libellées "Melle", avec des lettres commençant par "Chère Mademoiselle" alors que votre carnet de chèques est depuis longtemps établi à "Madame", voilà qui dépasse l'entendement. De quoi se mêlent-ils, ces gens de l'agence immobilière ? Il leur a semblé que vous viviez seule, mais que savent-ils de vous, et au nom de quoi s'arrogent-ils le droit de vous affubler d'une civilité ridicule qui n'est même pas celle sous laquelle vous leur versez de l'argent ?
Passé vingt-cinq ans, "mademoiselle" est plus que douteux. Le spectre de la vieille fille hante notre imaginaire collectif. Avec son nez crochu, ses mitaines noires, sa verrue sur la lèvre et sa méchanceté proverbiale, la vieille fille incarne la sorcière, le repoussoir absolu. C'est à cela qu'on vous renvoie quand on s'obstine à vous appeler "mademoiselle" alors que vous ne l'avez pas demandé. Comme si aujourd'hui encore, en dépit des statistiques, il était louche de ne pas être mariée ou nantie d'au moins un enfant. Assez de ces images d'Epinal ! Puisque l'agence immobilière ne parvient pas à vous appeler Madame en dépit de votre chéquier, appelons-nous toutes Mademoidame.

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