mercredi 8 juin 2011

Portrait d'une pionnière

Poétesse et slameuse, Camille Case est une Mademoidame de la première heure. Elle nous explique pourquoi.




Qu'est-ce qui t'a plu dans mademoidame ?



Lire Proust m'a appris qu'il se raconte bien souvent autre chose que ce qui est dit en apparence. Au cœur des mille usages qui peuvent être fait d'un mot, on a toutes vécu cette situation où un homme vous appelle "Mademoiselle" avec un petit air entendu, que vous pouvez traduire ainsi : « Je te regarde, et démerde-toi avec mes désirs." On a toutes éprouvé aussi le "Madame" qui vous fige au contraire dans une espèce de respectabilité prématurément cireuse, qui vous tiendrait à distance des joies de la vie ( si vous vous laissiez faire )... Pas besoin d'avoir lu toute la Recherche du temps perdu pour être sensible à cette dimension cachée des mots. Les mots, c'est tout un rapport au monde, à l'autre, qui est mis en circulation à travers l' usage qui en est fait, que l'on s'en rende compte ou non d'ailleurs. Des mots disparaissent et avec eux la réalité qu'ils nommaient ; des mots naissent aussi... parce qu' ils sont attendus, désirés. L'arrivée de mademoidame dans la langue française ouvre de belles perspectives relationnelles, puisque que nous sommes tous liés par les mots. Mot-valise ( deux en un), il se pose d'entrée avec humour et poésie, et il vient résonner en vous, dans tous vos recoins si vous êtes bien attentif. Mademoidame vous accorde d'être là où vous êtes, il n'exclut même pas le meilleur de la galanterie, c'est-à-dire la délicatesse d'attention. Le mot ne s'adresse qu'à vous, ne vous demande pas par-derrière si vous êtes mariée, veuve ou célibataire ; il vous laisse libre d'entrer comme bon vous semble dans l'échange. Il est sans jugement, il vous met en confiance, vous étonne, vous fait sourire, bref... il fait du bien ! On se sent femme en mademoidame !





As-tu déjà employé mademoidame, et dans quelles circonstances ?



Oui, je l'emploie souvent et consciencieusement dans les ateliers d'écriture que j'anime, puisque que les mots sont mes outils de travail. J'appelle Mesdemoidames toutes les jeunes filles et les femmes avec qui je travaille - à réveiller la créativité via justement cette conscience des mots, qui se mettent à exister enfin d'une manière agissante. Elles n'ont pas besoin d'avoir été longtemps à l'école ou de maitriser parfaitement le français pour y être sensibles - et pour aimer qu'on les appelle ainsi !








Quelles ont été les réactions de tes interlocuteurs/interlocutrices ?



Les femmes sourient, se redressent ; les hommes s'étonnent et s'en saisissent. On m'appelle "Mademoidame" bien souvent désormais... Ce mot vous accepte tout entière, je l'éprouve et l'observe chez d'autres. Il faut juste un peu d'audace et d'humour pour en faire usage, à croire que ce mot incarne précisément ce qui nous manque ... D'où la nécessité de le faire entrer d'urgence dans son vocabulaire. On ne risque rien à déclarer "Mademoidame" en réponse au moindre "Madame ou mademoiselle? ", à l'utiliser avec sa banquière, sa boulangère ou avec une inconnue à qui on demande l'heure dans la rue - sauf d'allumer une lueur nouvelle dans un regard. On ne risque rien d’autre que de faire et se faire du bien."



Camille Case est sur facebook http://www.facebook.com/media/set/?set=pa.1534684264#!/profile.php?id=1534684264&sk=wall




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